L'observation des faits de violence en milieu scolaire à Genève

Note d’information du Service de la recherche en éducation Département de l’instruction publique, de la culture et du sport (SRED). Numéro 56 Novembre 2013

« Depuis près d'une décennie, un groupe de coordination stratégique a été constitué au sein du DIP pour mener une réflexion de fond et établir les priorités d'action de l'école publique genevoise face à la problématique de la violence.

Il réunit des représentant-e-s de toutes les instances concernées; il sert de lieu d'échange d'expériences en provenance du terrain professionnel, mais aussi d'espace de partage de connaissances et d'informations, qu'elles soient théoriques ou pratiques.

Trois impératifs orientent la politique du DIP: (i) la prise en compte et la documentation de la complexité de la problématique de la violence en milieu scolaire pour en avoir une compréhension adéquate ; (ii) la collecte et la réunion de faits, d'informations et de données permettant de poser un diagnostic actualisé sur la situation dans l'école genevoise et (iii) le renforcement des capacités à remédier aux problèmes identifiés.

De la violence des jeunes en milieu urbain aux faits de violence en milieu scolaire

Dans les années 1990, la violence et l'insécurité s'affirment non seulement comme des sujets omniprésents dans les médias, mais aussi comme objets de nombreuses études, expertises et publications scientifiques dans le monde francophone. Deux domaines semblent retenir plus particulièrement l'attention: il s'agit d'une part des violences urbaines et de l'insécurité dans certains quartiers, et d'autre part de la violence à l'école1.

En Suisse, la Commission fédérale pour la jeunesse organise, au printemps 1998, un séminaire national à Bienne sur le thème de la violence des jeunes dont les analyses, les thèses et les propositions sont publiées dans un rapport paraissant à l'automne de la même année2. A Genève, ce sont les violences urbaines survenues après la dissolution d'une manifestation autorisée de protestation contre la réunion interministérielle du 50e anniversaire de l'Organisation mondiale du commerce qui ont amené le Conseil d'Etat à commanditer à un collège de trois experts un rapport sur "la violence des jeunes en milieu urbain". Il était demandé aux experts de "mettre en évidence les raisons probablement multiples de ces débordements". Les experts se sont intéressés d'une part au déroulement des manifestations de rue et à leur impact dans la ville et dans les médias, et d'autre part à la métamorphose de la violence dans les rapports individuels et sociaux au sein des sociétés contemporaines3.

Les experts devaient aussi "proposer des pistes de solutions" et pour répondre à cette demande, ils ont formulé 11 recommandations, dont trois font explicitement référence à l'école et à la formation (encadré 1). Parmi celles-ci, il est suggéré un enregistrement systématique des actes de violence dans les établissements d'enseignement.

Violence en milieu scolaire à Genève: peu d'études rigoureuses et fiables

Durant leurs travaux d'investigation, les experts avaient constaté que ni les directions générales, ni celles des établissements d'enseignement ne disposaient d'informations fiables sur les violences en milieu scolaire. Une étude, menée par le SRED, viendra confirmer la rareté de travaux rigoureux, fondés sur des données empiriques solides concernant la violence en milieu scolaire genevois4. Ses auteurs ont mené des investigations bibliographiques, afin d'établir une liste de références et de publications aussi complète que possible des recherches empiriques relatives à la violence en milieu scolaire effectuées dans (ou incluant) des établissements d’enseignement et de formation genevois depuis 1998. Si la bibliographie initiale comptait 400 références (littérature grise incluse), seules 19 ont été finalement répertoriées après analyse de leur contenu, les autres ne reposant souvent que sur des données et informations empiriques peu nombreuses et peu robustes (p. ex. observations effectuées au niveau d'une classe pendant un bref stage).

Le bilan des travaux retenus5 montre qu'ils relèvent de diverses approches méthodologiques (relevés institutionnels, enquêtes de victimation, évaluations de dispositifs, de pratiques ou de fonctionnements au sein des classes ou des établissements scolaires, recherches sur des facteurs de risque au niveau des élèves) et renvoient à quatre facteurs explicatifs "classiques" de la violence: culturels (acculturation, conflits culturels), sociaux (inégalités comme sources de frustrations, socialisation défaillante), psychosociaux (évolution des sensibilités, changements dans les représentations), individuels (caractéristiques psychologiques, troubles du comportement). A cette époque, la relative rareté d'études empiriques consacrées à la violence en milieu scolaire genevois rend difficile l'estimation de son ampleur et l'identification des problèmes qui lui sont associés6. Pour combler un peu ces lacunes, il est possible de recourir aux données issues de l'enquête internationale Health Behaviour in School-aged Children (HBSC).

"L’étude internationale «Health Behaviour in School-aged Children», réalisée sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), est une enquête quadriennale sur les comportements de santé des élèves âgés de 11 à 15 ans en Suisse et dans une quarantaine d’autres pays, pour la plupart européens. La Suisse, par l’intermédiaire d'Addiction suisse (anciennement ISPA, Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies), y participe depuis 1986"7. Dans le cadre de l'enquête nationale, les cantons qui le souhaitent peuvent demander un sur-échantillonnage, afin de disposer de données représentatives à leur échelle et pouvoir ainsi effectuer des analyses fiables au niveau cantonal. Adoptant une définition large de la santé, l'enquête s'intéresse non seulement aux questions de santé physique et psychoaffective des adolescents, mais aussi aux comportements en lien avec la santé (alimentation, activité physique) ou à risque pour celle-ci (sexualité, tabac, alcool, drogues, violence et accidents), ainsi qu'au contexte dans lequel vivent les jeunes (famille, école, ami-e-s).

Pour ce qui concerne les violences à l'école, l'enquête HBSC fournit sur quelques formes d'entre elles (bagarres, vols, racket, brimades, déprédations, menaces) des informations d'autant plus intéressantes qu'elles sont récoltées, anonymement, directement auprès des élèves, tant du point de vue des victimes que de celui des auteurs. Mais ses apports restent limités car elle ne touche que des élèves âgés de 11 à 15 ans et ne couvre donc pas l'ensemble des degrés, elle est quadriennale et, enfin, l'étude de la violence en milieu scolaire n'est pas sa vocation principale. »

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