Élèves sous surveillance

Des enfants aux cartables munis d’une puce permettant de suivre leurs allers et venues, des personnels de l’école barricadés derrière des portes closes au-dessus desquelles trône un système de vidéo surveillance, voilà de quoi nous rapprocher du meilleur des mondes. Symptômes de pratiques qui participent au renforcement du tout sécuritaire désormais entré plus ou moins subrepticement dans les mœurs de l’École, à la plus grande satisfaction sans doute de l’industrie de l’électronique.

Quelques exemples récents

Le Conseil municipal de New York vient d’adopter un règlement autorisant l’installation de caméras de surveillance dans les écoles de la ville. Après consultation avec les services de police, les autorités scolaires procéderont la mise en place de ces appareils " en tout endroit approprié " afin d’assurer la sécurité. L’association new-yorkaise des libertés civiles ( NYCLU/ANYLC ) a réagi en rappelant les propos du directeur des services de sécurité du département de l’Éducation, qui aurait lui-même reconnu qu’il n’était pas évident qu’à elles seules ces caméras avaient contribué au renforcement de la sécurité dans les écoles. Cette association fait par ailleurs observer que le fait de placer les étudiants sous surveillance vidéo laisse entendre que l’école est davantage un lieu potentiel d’actes criminels plutôt qu’une communauté d’apprentissage au sein de laquelle les membres doivent apprendre à résoudre des conflits. L’ANYLC précise, d’autre part, que l’installation et la mise à niveau de dix seulement de ces caméras entraîneront des déboursés de 750 000 $, abstraction faite des coûts de maintenance qui s’ensuivront.

En France, le Lycée Montaury, à Nîmes, a pour projet d’équiper le lycée avec un système de vidéosécurité. L’administration a préalablement consulté les parents et les enseignants pour juger de l’accueil que ceux-ci réservaient au projet. Les premiers s’y seraient montrés favorables dans une proportion de 84 p. cent et les seconds ont approuvé à 87 p. cent…

En Angleterre, la surveillance par bracelets électroniques de délinquants en liberté sous caution sera étendue aux adolescents récidivistes de 12 à 16 ans en attente de jugement. Cette mesure permettra entre autres de vérifier si ces mineurs sont à la maison pendant la période du couvre-feu qui leur est imposé. Il n’est pas interdit de penser que cette mesure pourrait éventuellement s’étendre à l’école dans ce pays où l’absentéisme est passible d’une amende sévère infligée aux parents.

Au Japon, une école d’Osaka a équipé les élèves de puces RFID . Glissés dans les cartables ou les vêtements des enfants, ces petits mouchards électroniques permettront de pister les élèves " grâce à des lecteurs RFID savamment répartis dans l’enceinte de l’établissement ".Une mine d’or en perspective pour Applied Digital Solutions, le fabricant de ces puces.
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Si ces modes de surveillance à distance paraissent s’imposer aux yeux de certains comme une mesure de sécurité préventive, leur installation grandissante dans nombre d’établissements ne saurait faire l’économie d’une réflexion sérieuse sur les objectifs de l’éducation. Car les risques de dérapages sont bien réels, tel celui de voir en l’enfant un délinquant potentiel ou celui de faire d’une politique de régulation des écarts de conduite d’une minorité une règle imposée à tous. Surveillance éducative ou encadrement abusif ?

Source La Lettre de l'EIP n°19, décembre 2004 : http://portail-eip.org/Fr/Publications/Lettre/19/lettre19.html

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