Jiddu Krishnamurti

« L’oeuvre du philosophe J. Krishnamurti a eu un retentissement considérable sur le mouvement pédagogique parallèle en Inde, même si, le plus souvent, cette influence n’est pas décelable dans l’enseignement secondaire traditionnel. Krishnamurti n’était pas un pédagogue au sens étroit ou officiel du terme : il ne possédait aucune des qualifications requises pour propager ou promouvoir des idéaux pédagogiques ni pour créer des établissements d’enseignement. En se faisant le champion de « l’éducation appropriée », il ne cherchait manifestement pas à apporter des solutions temporaires aux problèmes de la société ni à y remédier en se contentant d’apprendre aux gens à lire et à écrire. On a décrit Krishnamurti comme un « enseignant révolutionnaire [...] qui oeuvrait sans relâche pour éveiller les individus — éveiller leur intelligence, leur sens des responsabilités, allumer chez eux une étincelle de rébellion » et cette volonté d’éveiller la conscience des individus procédait sans aucun doute d’une « forte passion morale » (Herzberger et Herzberger, 1998). C’est cette passion morale de Krishnamurti qui est à la source de son inlassable quête d’une « société bonne » fondée sur des valeurs et des relations « appropriées ».

Cette recherche passionnée d’une « société bonne » ne se réclamait d’aucune tradition religieuse ou philosophique déterminée. Krishnamurti ne proposait pas de suivre un itinéraire préétabli pour amener les êtres et la société à la « bonté ». Selon lui, la vie trouvait son sens non pas dans un processus extérieur mais dans une découverte intérieure qui s’efforçait de transcender l’être physique et de susciter une « mutation » de l’esprit humain1. Le changement ne pouvait donc advenir par des moyens extérieurs — révolutions politiques ou mouvements sociaux — mais seulement à travers une transformation complète de la conscience humaine. Cette transformation s’opère sans le recours à des pratiques mécaniques, ce qui exclue toute forme de rituel religieux ou d’attachement à un dogme. Pour la découverte de soi, Krishnamurti récuse l’approche habituelle qui fait appel à la « pensée critique », lui préférant la méthode du « regard critique » ou de la « conscience sans choix » (Martin, 1997, p. xi).

En Inde, Krishnamurti était considéré comme un philosophe intransigeant, n’offrant le secours d’aucune « béquille » d’ordre spirituel ou émotionnel et décourageant tout attachement psychologique ou intellectuel envers la personne du « maître ». Une telle attitude était particulièrement dissuasive au regard de la tradition hindouiste : en Inde, celle-ci voit dans les rites, les croyances et la dévotion totale au maître des instruments du bien-être psychologique, spirituel et social. Mais c’est précisément cette rupture avec la tradition et toutes les formes d’autorité qui fait la force de Krishnamurti philosophe — il apportait en effet une grande bouffée d’air frais à ceux qui s’étaient efforcés jusque-là de sonder les profondeurs de la conscience et de l’existence humaine en suivant les voies traditionnelles de la connaissance. »

Le texte qui précède est tiré de Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation), vol. XXXI, n° 2, juin 2001, p. 291-305 ©UNESCO : Bureau international d’éducation, 2001 Ce document peut être reproduit librement, à condition d’en mentionner la source.

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Illustration tirée du site http://www.j-krishnamurti.org/

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