Déclaration de Yamoussoukro sur la paix dans l'esprit des hommes
Déclaration de Yamoussoukro sur la paix dans l'esprit des hommes
Yamoussoukro, Côte d'Ivoire, 1 juillet 1989
La paix est essentiellement le respect de la vie.
La paix est le bien le plus précieux de l'humanité.
La paix est plus que la fin des conflits armés.
La paix est un comportement.
La paix est une adhésion profonde de l'être humain aux principes de liberté, de justice, d'égalité et de solidarité entre tous les êtres humains.
La paix est aussi une association harmonieuse entre l'humanité et l'environnement.
Aujourd'hui, à l'aube de XXIe siècle, la paix est à notre portée.
Le Congrès international sur la paix dans l'esprit des hommes, réuni à l'initiative de l'UNESCO à Yamoussoukro, au coeur de l'Afrique, berceau de l'humanité et pourtant terre de souffrances et de développement inégal, a rassemblé des hommes et des femmes des cinq continents qui se consacrent à la cause de la paix.
L'interdépendance croissante entre nations et la conscience grandissante d'une sécurité commune sont autant de signes d'espoir.
Des mesures de désarmement contribuant à la diminution des tensions ont été annoncées et déjà prises par certains pays. Le règlement pacifique des différends internationaux a réalisé des progrès. Les mécanismes internationaux de protection des droits de l'homme sont plus largement reconnus.
Cependant, le Congrès a aussi noté la persistance de divers conflits armés à travers le monde. Il existe aussi d'autres situations conflictuelles : l'apartheid en Afrique du Sud, le non-respect de l'intégrité des pays, le racisme, l'intolérance, la discrimination, notamment à l'égard des femmes, et surtout les pressions économiques sous toutes leurs formes.
De plus, le Congrès a noté l'émergence de nouvelles menaces, non militaires, à la paix. Figurent parmi ces nouvelles menaces: le chômage, la drogue, l'absence de développement et la dette du tiers monde résultant notamment du déséquilibre entre les pays industrialisés et les pays en développement ainsi que des difficultés que rencontrent les pays du tiers monde à faire valoriser leurs ressources; enfin, la dégradation de l'environnement, due au fait de l'homme, telle que la détérioration des ressources naturelles, les changements climatiques, la désertification, la destruction de la couche d'ozone, la pollution, mettant en danger toute forme de vie sur la terre. Le Congrès a tenu à susciter la prise de conscience de ces problèmes.
Les êtres humains ne peuvent travailler pour un futur qu'ils n'arrivent pas à concevoir. C'est pourquoi le Congrès s'est attaché à tracer les contours d'un avenir dans lequel l'humanité puisse avoir foi.
L'humanité ne peut assurer son avenir que par la coopération; une coopération qui respecte la primauté du droit, tienne compte du pluralisme, garantisse plus de justice dans les échanges économiques internationaux et s'appuie sur la participation de toute la société civile à la construction de la paix. Le Congrès affirme que les individus et les sociétés ont droit à un environnement de qualité élément essentiel à 1a paix.
De plus, de nouvelles technologies sont maintenant disponibles au service de l'humanité. Mais leur utilisation efficace est tributaire de la paix, car ces technologies doivent servir la paix, de même que leurs résultats bénéfiques ne peuvent être pleinement assurés que dans un monde pacifique.
Enfin, le Congrès reconnaît que la violence ne résulte pas chez l'homme d'une détermination biologique et que les êtres humains ne sont pas prédestinés à avoir naturellement un comportement
La quête de la paix est une aventure exaltante. Aussi le Congrès propose-t-il un nouveau programme permettant de prendre des mesures concrètes et efficaces, favorisant de nouvelles visions et approches dans la coopération, l'éducation, la science, la culture et la communication et tenant compte des traditions culturelles des différentes parties du monde. Cette série d'actions devra être mise en oeuvre en coopération avec des organisations et institutions internationales, notamment l'Université des Nations Unies, l'Université pour la paix au Costa Rica et la Fondation internationale Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix de Yamoussoukro.
Aux termes mêmes de son Acte constitutif, l'UNESCO est engagée dans la cause de la paix. La paix est aussi la vocation de Yamoussoukro. Le Congrès qui s'y est tenu confirme les espoirs de l'humanité.
II PROGRAMME POUR LA PAIX
Le Congrès invite les Etats, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, les communautés scientifiques, éducatives et culturelles du monde, ainsi que tous les particuliers, à:
- (a) contribuer à la construction d'une nouvelle vision de la paix par le développement d'une culture de la paix, sur le fondement des valeurs universelles du respect de la vie, de liberté, de justice, de solidarité, de tolérance, des droits de l'homme et d'égalité entre femmes et hommes ;
- (b) faire prendre mieux conscience du destin commun de l'humanité, de manière à favoriser la mise en oeuvre de politiques communes qui garantissent la justice dans les rapports entre les êtres humains ainsi qu'une relation harmonieuse entre l'humanité et la nature ;
- (c) inclure dans tous les programmes éducatifs des éléments relatifs à la paix et aux droits de l'homme, qui aient un caractère permanent ;
- (d) encourager une action concertée à l'échelon international, en vue de gérer et de protéger l'environnement et faire en sorte que les activités menées sous l'autorité ou le contrôle d'un Etat quel qu'il soit ne portent atteinte ni à la qualité de l'environnement d'autres Etats ni à la biosphère.
Le Congrès recommande que l'UNESCO apporte la plus grande contribution possible à tous les programmes pour la paix. Il recommande notamment e soient examinées les propositions suivantes :
- La prise en compte du Manifeste de Séville sur la violence (1986), premier stade d'une importante réflexion qui tend à rejeter le mythe selon lequel la violence humaine organisée obéirait à une détermination biologique. Le Manifeste devrait être diffusé, avec les commentaires appropriés, dans le plus grand nombre possible de langues. Cette réflexion pourrait être poursuivie par la réunion d'un séminaire interdisciplinaire consacré à l'étude des origines culturelles et sociales de la violence.
- La promotion de l'éducation et de la recherche dans le domaine de la paix. Cette activité devrait être assurée par une approche interdisciplinaire et avoir pour objet l'étude des relations entre paix, droits de l'homme, désarmement, développement et environnement.
- La poursuite du développement du Programme international UNESCO-PNUE d'éducation relative à l'environnement, en coopération avec les Etats membres, particulièrement pour mettre en oeuvre la Stratégie internationale d'action pour l'éducation et la formation à l'environnement pour les années 90. Celle-ci devrait tenir pleinement compte de la nouvelle vision de la paix.
- L'étude de la mise en place avec l'Université des Nations Unies d'un institut international d'éducation pour la paix et les droits de l'homme, destiné en particulier à la formation des futurs cadres, par un système d'échanges, d'enseignement et de stages.
- L'établissement d'un recueil de textes émanant de toutes les cultures, mettant en évidence les points communs de leurs enseignements sur les thèmes de la paix, de la tolérance et de la fraternité.
- L'élaboration de mesures visant à renforcer l'application des instruments internationaux des Nations Unies, en particulier de lUNESCO, existants et à venir, concernant les droits de l'homme, la paix, l'environnement et le développement et de ceux qui encouragent le recours à la voie judiciaire, au dialogue, à la médiation et au règlement pacifique des différends.
www.unesco.org/cpp/fr/declarations/yamoussoukro1.htm
Illustration tirée du site de l'UNESCO https://fr.unesco.org/